Améliorer l'accès aux médicaments orphelins
Pour les personnes atteintes de maladies rares, un bon médicament est un médicament qui est disponible et remboursé dans le pays où ils habitent. Si l'un de ces facteurs manque, le médicament n'est pas très utile. Malheureusement, pour des raisons de coût, c'est ce qui se passe trop souvent au sein de l'Union européenne. Une enquête d'Eurordis (2004) sur la disponibilité de douze médicaments orphelins ayant reçu une autorisation de mise sur le marché dans l'Union montre qu'au bout d'un an, le Danemark est le seul pays où les douze médicaments sont disponibles pour les malades. Ce nombre varie beaucoup dans les autres pays ; le Luxembourg et les nouveaux Etats membres sont à la traîne, avec seulement quatre médicaments disponibles. Or, lorsque le médicament est disponible, son prix le rend parfois inaccessible. En Belgique par exemple, Busilvex, utilisé dans le conditionnement des cellules du sang avant leur greffe, chez l'adulte, n'est pas remboursé du tout alors qu'il coûte plus de 4.400 euros. « Cette situation n'est pas seulement inéquitable, car l'accès des malades aux médicaments orphelins dépend du pays où ils habitent, mais elle n'est pas légale non plus, dit Yann le Cam, Directeur d'Eurordis. Nous avons des règlements européens pour l'accès aux traitements des malades, mais ils ne sont pas appliqués. » Le délai légal pour mettre les médicaments orphelins sur le marché européen est de 180 jours [Directive du Conseil du 21/12/1998]. Or, moins de la moitié respectent ce délai, et certains médicaments orphelins mettent jusqu'à 700 jours à être mis sur le marché dans certains pays - lorsqu'ils le sont. « Cela signifie que les médicaments orphelins ne sont pas à la disposition des malades dans le délai légal. Cela signifie également qu'ils sont rendus disponibles dans un délai et dans des conditions pires que pour les autres médicaments, alors qu'ils ont bénéficié de conditions de développement plus favorables, dit Yann le Cam. » Pis encore, cela veut dire que les malades n'ont pas accès à ces médicaments qui leur seraient utiles; leurs vies s'en trouvent menacées.
Plusieurs facteurs contribuent à cet état de fait. La désignation des médicaments orphelins, l'assistance au protocole et l'autorisation de mise sur le marché sont des processus centralisés, mais l'évaluation de la valeur thérapeutique, le prix et le remboursement de ces produits restent de la responsabilité des Etats membres. Dans le cas de l'évaluation de la valeur thérapeutique, les Etats n'ont pas forcément toutes les compétences pour le faire. Chaque Etat négocie le prix séparément avec les compagnies pharmaceutiques. Celles-ci ont tendance à commencer leurs négociations par les Etats qui peuvent leur accorder un prix plus élevé ; ce prix est ensuite utilisé comme prix de référence dans leurs négociations avec les autres pays. Les Etats membres retardent le plus possible les négociations pour éviter d'avoir à rendre le médicament disponible et à en subir le coût. Bien que la situation puisse être considérée comme bénéfique pour les compagnies et les Etats, ce n'est pas le cas. Les pays finissent par payer un prix élevé ; et les compagnies perdent une partie de leurs dix ans d'exclusivité sur le marché, parce que les négociations peuvent prendre jusqu'à quatre ans !
Eurordis a continué à dénoncer cette situation depuis sa première enquête sur la disponibilité des médicaments orphelins, qui a été présentée au Comité de la Commission européenne sur la transparence en 2004 et qui est mentionnée dans le rapport de la Commission sur les cinq ans du Règlement sur le médicament orphelin. Pour améliorer l'accès des malades aux médicaments orphelins, Eurordis propose d'établir un Groupe de travail européen, constitué d'Etats membres volontaires ; ce groupe aurait les compétences pour évaluer la valeur ajoutée thérapeutique de chaque médicament, et discuterait un niveau de prix de référence « sortie d'usine » avec le détenteur de l'autorisation de mise sur le marché. Le groupe commencerait son travail immédiatement après l'avis du CHMP1, sans avoir à attendre la décision de la Commission. Cela fournirait une opinion que tous les Etats membres pourraient utiliser dans leurs négociations sur le prix et le remboursement. Les avantages pour les Etats seraient un prix négocié plus bas et le respect du délai légal de disponibilité des médicaments orphelins ; pour les compagnies pharmaceutiques, cela signifierait un retour sur investissement plus rapide, ainsi que plus de visibilité et de facilité à prévoir leurs bénéfices ; pour les malades - et c'est bien là l'essentiel - les médicaments seraient disponibles plus rapidement. La proposition a été présentée à la Commission européenne, au COMP2 et à l'industrie.

Où en est-on aujourd'hui? Des discussions ont actuellement lieu avec certains Etats membres; la proposition sera bientôt présentée au Comité sur l'évaluation des médicaments (MEDEV3); des discussions auront lieu avec les fédérations de l'industrie pharmaceutique et la Commission européenne. L'objectif d'Eurordis est d'obtenir un accord avec quelques Etats membres pour faire avancer la proposition - une proposition qui reste souple et ouverte aux suggestions, sous réserve que l'accès des malades aux médicaments orphelins reste le but ultime.
1Committee for Medicinal Products for Human Use (EMEA) donnant son avis scientifique sur l'autorisation de mise sur le marché.
2Committee for Orphan Medicinal Products.
3Le MEDEV est un comité informel constitué d'experts belges représentant les organisations d'assurance maladie et les institutions nationales responsable de l'évaluation et du remboursement des médicaments.
Cet article a été publié dans notre lettre électronique d'avril 2006.
Auteur : Jérôme Parisse-Brassens
Photos: © European Community, 2006
Illustrations: © Eurordis
Page created: 19/08/2009
Page last updated: 13/04/2012